Ecrire dans le temps : tout s’écoule, tout s’écoule

Ces deux installations, une microscopique, une monumentale ont pour origine un aphorisme d’Héraclite. Toutes deux se situent dans une relation directe aux phénomènes extérieurs (vent, climat, soleil). La micro installation utilise comme support un miroir dans lequel se reflète le paysage environnant. L’œuvre est un film d’animation construit à partir de plans fixes, en écho aux débuts du cinéma, sur fond musical de tango argentin. Je joue avec des petits animaux en plastique qui dansent parmi quelques micro-briques noires, animées elles aussi. Petit-à-petit, la phrase « Tout s’écoule » devient lisible puis, à rebours, elle s’efface progressivement.  Quant à l’installation monumentale, elle s’inscrit dans un site patrimonial, une ancienne abbaye cistercienne près de Quincy, à l’invitation du centre d’art de l’Yonne. À trois reprises, je suis venu déplacer les parpaings en béton juxtaposés pour former la phrase en creux, à même la terre. Les marques sont le résultat du contact prolongé des parpaings sur la pelouse, empêchant ainsi l’herbe de pousser. En discutant avec les propriétaires, j’ai appris que les moines qui vivaient là se nourrissaient des poissons élevés dans les eaux devenues souterraines.

Résider sur l’île de la Martinique : les mots et merveilles !

J’ai séjourné pendant une année sur l’île de la Martinique, dans un carbet du nord de l’île (village du Morne-Vert). Après plusieurs mois de vie là-bas, j’ai pris conscience de l’écart paradoxal entre la beauté resplendissante des paysages et la destruction des terres dûe l’usage du pesticide « chlordécone » employé jusque dans les années 2000 pour le développement de la culture des bananes produites par les industriels métropolitains. J’avais décidé de voyager léger, quelques feuilles de papier, de l’encre de chine et un appareil photo. J’ai réalisé plusieurs œuvres à partir de mots comme matière première, en réaction avec l’observation minutieuse de la vie sur place. Parmi ces différents travaux, je retiens aujourd’hui « Y’ a un lézard », film d’animation où j’ai écrit, image par image, un texte dans les mailles du filet de pêche qui servait de garde-corps au carbet; il nous informe sur la pollution dans cet environnement de nature luxuriante. Au premier plan, un lézard vient se régaler de morceaux de mangues.

quelques œuvres

Protocoles : ouvrir les oeuvres

À mes débuts, j’ai réalisé des sculptures en pièces détachées c’est-à-dire montables et démontables. Une fois l’œuvre créée par mes soins, l’idée était de rédiger une notice de montage, un protocole dont pouvait s’emparer d’autres artistes. Écrire un scénario pour observer jusqu’à quel point un objet artistique peut être transformé de l’intérieur par une autre personne. Comme un musicien avec une partition. J’ai conduit cette expérience à plusieurs reprises mais la forme la plus aboutie fut réalisée pour une installation composée de longues et fines planches d’isorel (bois fait de sciure compressée) d’abord percées à intervalles régulier puis cousues sur le lieu d’exposition avec des tuyaux en caoutchouc de deux couleurs. Une installation-paysage inaugurée au centre d’art du Crédac à Ivry, puis, dans un second temps, réinterprétée par un ami artiste, Rémi Uchéda à Besançon (centre d’art du Pavé dans la Mare) en 2002. Ce geste peut-il se reproduire pour d’autres projets ? (voir aussi les pièces de puzzle réalisées lors d’une résidence au quartier éphémère de Montréal, l’installation avec les planches de bois récupérées, à la galerie Art’O d’Aubervilliers, ou encore les poches de papier conçues, fabriquées et imprimées à Shanghaï).